Depuis sa création en 1945, la Sécurité sociale subit des assauts à répétition. Comment expliquer cet acharnement contre ce système qui est bien plus qu’une simple couverture des risques de la vie (!) et que les pionniers issus du Conseil National de la Résistance avaient forgé pour être un outil d’émancipation du salariat, géré par les travailleurs.
La Sécurité sociale, à son origine, c’est la mise en place d’un régime de couverture sociale qui non seulement mutualise une part importante de la valeur produite par le travail, mais qui en confie aussi la gestion aux travailleurs eux-mêmes.
Depuis 75 ans, cette magnifique conquête sociale - qui nous différencie de tant d’autres pays - s’est beaucoup étiolée à coup de réformes successives qui ont réduit son champ d’intervention au profit des assurances complémentaires. Aujourd’hui, la Sécurité sociale intervient beaucoup sur les maladies chroniques incurables et laisse la part belle aux assurances complémentaires pour l’optique, le dentaire, la pharmacie, la médecine de ville. Cette organisation dans le remboursement des soins organise l’intervention de l’assurance privée au détriment d’une vraie solidarité nationale.
Bien entendu, cela s’est fait sous l’impulsion des gouvernements successifs qui, sous prétexte de favoriser ou de maintenir l’emploi, ont procédé à des exonérations de cotisations. In fine, ces exonérations pèsent très lourdement sur notre système de Sécurité sociale.
Une meilleure répartition
Il apparait si logique que pour vivre en véritable "sécurité sociale", la Sécurité sociale doit - par un partage des richesses plus équitable - retrouver un financement à la mesure des besoins sociaux pour permettre à l’ensemble de la population de bénéficier d’une prise en charge correcte et d’actions de prévention. Si nous revenons au partage des richesses entre le capital et le travail en prenant comme base 1960, c’est près de 50 milliards d’euros supplémentaires qui pourront permettre de financer correctement les hôpitaux, les maisons de retraite, la mise en place d’une garantie dépendance et l’amélioration des remboursements afin que le poids des assurances complémentaires diminue et pèse moins sur le budget des ménages.
Il conviendrait aussi de mener une politique de contrôle des dépenses rigoureuse, notamment en direction des laboratoires pharmaceutiques, lesquels engrangent des profits colossaux sur le dos des assurés sociaux et des mutualistes.
Un autre point encore, la branche maladie ne doit plus supporter les dépenses de la branche Accidents du Travail et Maladies Professionnelles, car aujourd’hui de nombreux cancers ou troubles musculosquelettiques sont pris en charge par la branche maladie, faute d’être reconnus comme maladie professionnelle, ce qui permet aux entreprises peu soucieuses de la santé de leurs salariés de s’exonérer des cotisations de la branche ATMP.
A quand une gestion démocratique ?
La Sécurité sociale étant l’affaire de tous, il convient de retrouver une vraie gestion démocratique. Les caisses doivent être gérées par les syndicats de salariés représentant les actifs et les retraités. La Sécurité sociale pourra retrouver une gestion démocratique et véritablement agir dans l’intérêt des assurés sociaux quand les représentants des syndicats d’employeurs et l’Etat renonceront à gérer la Sécurité sociale.
Quel que soit le positionnement de chacun, la Sécurité sociale est une belle conquête, un bel héritage. Vivre en sécurité sociale, c’est cotiser selon ses moyens et recevoir selon ses besoins. Aujourd’hui où la précarité gagne du terrain sous l’impulsion d’une politique ultra-libérale, il est plus que jamais nécessaire de bénéficier d’une sécurité sociale de haut niveau, financée correctement, et ce pour permettre à chacun d’entre nous de bénéficier d’une prise en charge de qualité.
Avec la paupérisation d’une partie grandissante de la population, l’action des associations caritatives se multiplie. On ne peut pas reprocher à la Mutualité de ne pas pratiquer l’entraide et la solidarité. Mais la vraie victoire est que l’ensemble de nos concitoyens bénéficient d’une sécurité sociale efficace et efficiente.
Ce projet de reconquête sociale doit être porté avec force et conviction par tous les acteurs syndicaux, associatifs, mutualistes et bien évidemment, par chacun d’entre nous, individuellement.
Les gènes de notre Mutualité c’est de promouvoir une sécurité sociale de haut niveau pour toutes et tous, en refusant toutes discriminations sans critères d’usage, de genre, d’état de santé et de handicap.
Jean-Jacques Verchay