Depuis quelques années, avec l’élargissement de ses champs d’intervention, le pharmacien a repris ses lettres de noblesse. Avec un maillage de près de 74000 praticiens, dans un territoire marqué par des déserts médicaux et les inégalités d’accès aux soins, son officine est bien souvent la première porte que le patient franchit.
« À Grenoble, il y a 75 médecins pour 160 000 habitants » resitue Nicolas Trouillon pharmacien du centre-ville. En France, le nombre de pharmacies varie peu – comme pour les notaires, le pharmacien doit racheter une officine existante et en activité – le maillage territorial est stable et il n’est pas rare d’avoir une pharmacie pour 3 000 habitants. Dans ces conditions, le pharmacien voit fréquemment le patient avant le médecin !
Du conseil jusqu’au diagnostic et la prescription
« On oriente les gens, on les rassure quand il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Ce premier contact permet de ne pas engorger les urgences, ni les médecins. » Un rôle encore renforcé depuis que le pharmacien peut vacciner contre la grippe, contre le Covid, contre le papillomavirus. « On pratique dans notre pharmacie environ 1 000 actes de vaccination par an, ce sont autant de consultations et de temps médical qui sont libérés. »
De même le pharmacien peut maintenant délivrer les médicaments en cas de cystite et faire des tests rapides d’orientation diagnostic (TROD) pour dépister les angines. « Si c’est négatif, cela évite une consultation et on encourage à se traiter même si ce n’est pas pris en charge. Si c’est positif, alors le patient est fortement encouragé à joindre un médecin physiquement ou en téléconsultation afin d'obtenir le traitement antibiotique adéquat. La vaccination, comme les TROD, est peu valorisée, mais ces actes emmènent le pharmacien vers une dimension que l’on n’aurait pas osé imaginer ».
C’est aussi du bon sens : la France dispose d'une population de pharmaciens tout à fait capables compte tenu de leur niveau d’études. Avec la possible future délivrance des antibiotiques en plus (en cas de cystite), le pharmacien a désormais une vision 360°. « Pour accomplir toutes ces missions, il faut une équipe autour du pharmacien, une équipe formée, et des locaux qui permettent d’accueillir les personnes pour les vaccins ou les tests tout en étant en mesure de continuer à servir ceux qui viennent chercher des médicaments ».
En alerte pour éviter les pénuries de médicaments
Justement, côté médicaments le pharmacien subit les pénuries quotidiennement. L'équipe de la pharmacie se connecte tous les jours, comme sur une place boursière, sans cesse en alerte. « . Quand il y a pénurie, le rythme des commandes s'intensifie car la moindre boîte de médicament devient précieuse. Avec notre pharmacie, nous avons la capacité d’avoir trois grossistes sur deux départements différents et donc de meilleures chances d’être pourvu. »
Il existe cependant un logiciel Vigirupture qui permet de voir – si le stock est exact – quelle pharmacie dispose du médicament. « Une pharmacie excentrée ou peu fréquentée peut disposer d'une molécule en rupture et on peut envoyer un patient qui en a besoin en urgence ; Il y a une forme d’entraide entre pharmacie. »
La concurrence est néanmoins rude : chaque pharmacie veut garder ses patients. Et pour cause : « L'autorité de santé baisse le prix des médicaments, en dérembourse certains et nous donne davantage de missions, mais ces dernières ne sont pas rémunératrices. » Résultat, beaucoup de pharmacies ne font pas de TROD ni de tests. Mais beaucoup d’autres font un pari sur l’avenir en misant sur le service rendu, sur la future place du pharmacien dans le système de santé.
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Les jeunes générations optent pour le salariat
La population de pharmacien d'officine avait baissé ces dix dernières années au profit des pharmaciens s'orientant plutôt dans l'industrie, mais il semblerait que la filière pharmacie d'officine attire de nouveau des étudiants qui se projettent dans la nouvelle forme d'exercice libéral et les nouvelles missions.
La pharmacie de demain devra offrir aux patients l'ensemble des services (vaccination, test, TROD, disponibilité des médicaments, continuité des soins) mais aussi une équipe de professionnels de santé formée, compétente, disponible. « Pour cette raison l'environnement de travail pour accueillir au mieux les patients doit aussi être pensé et optimisé pour un épanouissement optimal de tous les collaborateurs en pharmacie, qu'ils soient pharmacien, préparateur ou encore conseiller en dermocosmétique. »
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Parcours et repères
>> Diplôme : Bac + 6 (officine et industrie) à 9 (pharmacie hospitalière ou biologie médicale)
>> Nombre de praticiens concernés : 73 795 en 2022
>> Salaire : 3 000 euros pour un débutant, 42 000 à 62 000 euros par an
>> Secteur : libéral et salarié en officine de pharmacie, biologie, hôpital, distribution en gros, industrie
>> Moyenne d’âge : 46 ans
>> Répartition : 68 % de femmes, 32 % d’hommes
Source : Bonne Santé Mutualiste